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LES SAINTES
Traditions

Les Tourments D’Amour

Les Saintes sont autant réputées pour leur baie que pour leurs tourments d'amour, un gâteau traditionnel unique en son genre.
Ciellette était sans doute prédestinée aux tourments d'amour. Quand on porte le nom d'Appolinaire, on ne peut s'en étonner! Ciellette est 100 % saintoise comme elle l'affirme haut et fort. Et quand on lui demande si elle est parente du grand poète, elle éclate de rire et affirme que non. Aux Saintes, Ciellette a bâti sa réputation sur ses tourments d'amour, ces petits gâteaux ronds et mous fourrés à la noix de coco que les Saintoises vendent aux arrivées et aux départs des navettes qui les relient au «continent». «C'était un gâteau fait par nos arrières grands-mères pour accueillir leurs hommes qui partaient tôt le matin pêcher à l'aviron et qui rentraient tard le soir», raconte Ciellette. La recette se transmet de mère en fille, de génération en génération, et reste secrète pour les autres. Vous aurez beau insister, Ciellette vous la donnera «dans les grandes lignes». C'est sans doute pour cette raison que le tourment d'amour est resté un gâteau traditionnel des Saintes. «On en vend à Pointe-à-Pitre, indique Ciellette, mais ce n'est pas le même qu'ici>. Évidemment, il est moins bon!
La recette se transmet de mère en fille, de génération en génération, et reste secrète pour les autres.
Si les tourments d'amour de Giellette sont délicieux, c'est qu'elle les fabrique encore à l'ancienne. Pas question d'y mettre de la confiture ou de la poudre de coco en sachet. Giellette met un point d'honneur à faire elle-même sa préparation avec de la pulpe de coco fraîche ou de tout autre fruit (banane, goyave, ananas). Giellette se lève deux à trois fois par semaine à 2h du matin pour faire ses tourments. La veille, elle fait bouillir la cannelle et le zeste de citron dans de l'eau et du sucre, puis elle ajoute la chair des 30 à 40 cocos gragées' par son mari. Ensuite, elle laisse cuire 3 à 4 heures à feu doux. Le lendemain, Giellette confectionne sa pâte brisée. Là, pas de problème. "Vous savez faire la pâte brisée, n'est-ce pas ?" Tout le secret réside bien sûr dans cette fameuse confiture de coco ... Puis on prépare une génoise, on étale la confiture sur la pâte brisée et l'on recouvre avec la génoise. On enfourne 15 à 20 minutes et le tour est joué ! "Le secret lâche enfin Ciel!ette, c'est ... de les faire avec amour !»

Le berceau de la saintoise traditionnelle

Les saintoises traditionnelles que l'on peut encore admirer lors de diverses régates populaires organisées dans l'année seraient nées du savoir-faire des charpentiers de marine européens venus s'installer autrefois aux Saintes. C'est sans doute pour cela que les Saintois y restent très attachés et ne manquent jamais une occasion de prouver à bord de leurs embarcations traditionnelles qu'ils n'ont pas usurpé leur réputation de meilleurs marins de la Guadeloupe.
D'où vient la forme particulière de l'embarcation en bois d'autrefois qui donna son nom à tous les bateaux de Guadeloupe? Selon Alain Foy, charpentier de marine aujourd'hui retraité, «c'est une chaloupe des goélettes ayant découvert la Guadeloupe qui serait à
l'origine de la saintoise, le bateau traditionnel guadeloupéen. Avant l'apparition des moteurs, ce canot creux, bien adapté à la haute mer, se manœuvrait à la rame et à la voile». Alain Foy, qui a construit son premier boat à l'âge de 17 ans, a fait son apprentissage chez George Cassin, un autre grand charpentier des Saintes. «À l'époque, il y avait quatre ou cinq charpentie(S». Caractéristique de cette embarcation qui a su s'adapter aux évolutions techniques: un assemblage de différents bois - acajou rouge, bois du nord, calebassier, catalpa -, une carène debout et une quille lestée avec des roches pour remonter au vent. "J'allais couper le poirier sur le Grand Î/et avec mon père, pieds nus dans les raquettes, se souvient Alain Foy, notre poirier est plus dur que le poirier de Guadeloupe et il ne pourrit pas du tout».

Une parfaite maîtrise de la navigation

Au début des années 60, avec l'apparition du moteur hors-bord, il faut adapter la saintoise traditionnelle, l'améliorer pour qu'elle supporte des moteurs de plus en plus puissants et donc, de plus en plus lourds. « Quand les bateaux sont passés au moteur, ils cognaient, ce qui cassait les membrures et demandait beaucoup de réparations>" explique Alain Foy. Le charpentier de marine dessine alors un bateau en contreplaqué mieux adapté à la mer et qui essaime dans tous les ports de Guadeloupe. Les voiles disparaissent, le canot s'aplatit car il n'est plus nécessaire de naviguer au près, la carène devient plus porteuse et plus stable. Puis le bois cède peu à peu la place aux matériaux composites.
Aux chantiers Pineau, on est charpentier de marine de père en fils. Gaétan a appris le métier avec son père; son oncle et son parrain construisaient également des saintoises traditionnelles. «II y a encore cinq ans, tout le monde aux Saintes était capable de construire son canot traditionnel, explique­ t-il. Mais aujourd'hui les jeunes veulent aller vite, ne pas perdre de temps». Ils restent cependant attachés à la construction navale de l'île, tel David, pur Saintois, qui a fait l'acquisition d'un bateau sorti du chantier Pineau. «Le bateau est un moyen de locomotion quotidien pour nous. Ici, on se sert d'un bateau comme en Guadeloupe on prend sa voiture. Pour moi, c'est important qu'il soit construit aux Saintes».
Malgré ces évolutions, la saintoise traditionnelle n'a pas tout à fait disparu. Elle s'exhibe encore fièrement lors de rassemblements de voile traditionnelle, tel le Tour de la Guadeloupe à la voile qui se tient au mois de juillet. Les Saintois qui possèdent la deuxième flotte de l'archipel avec six canots traditionnels sont toujours prêts à défendre leur réputation de meilleurs marins de la Guadeloupe (il existe même deux clubs sur l'île). Tous les canots engagés dans ces régates répondent à une jauge très précise (5,30 m de long, 1,60 m de large, 70 cm de profondeur). La bôme, à l'origine plus longue que le mât ne doit pas dépasser 6,50 m et le mât 7,25 m. Comme ses ancêtres, la saintoise traditionnelle utilise plusieurs bois, le bambou pour la bôme, le bois du nord pour la quille, l'acajou pour les bordées et le plancher, le poirier pour les membrures et la proue. Les voiles doivent être raccordées à la bôme par des lianes (les ailes de ravet). La forme et la coupe du canot comptent donc moins que l'équipage composé de cinq hommes. «C'est difficile de dire qu'un canot est bon. C'est un tout. On peut avoir un bon canot avec un bon équipage, mais si on change l'équipage, alors le canot n'est plus bon», explique Harry Mariette, le président de l'association de voile traditionnelle Calingo de Vieux-Fort; "car ces canots conçus pour la haute mer et lestés de roches demandent une parfaite maitrise de la navigation. Chaque faute de manœuvre peut se révéler fatale, entraÎnant le canot à chavirer ou à se remplir d'eau».